Un beau voyage dans le passé

Bonjour,

Voici mon post n°2 (le n°1, c'était ma présentation).
J'y évoque mes pensées lors de mon rasage matinal (le rasage, c'est une formidable usine à imaginaire, vous ne trouvez pas ?)



Ce matin donc, je romps une habitude installée de longue date. C'est avec un rasoir que m'a très aimablement vendu Mikado que je me rase. Il s'est donné du mal pour le migrer de l'Ouest vers le Nord, et je le remercie chaleureusement au passage.

C'est en pensant au soin qu'il a apporté à ce "Gillette Tech n°24" que je me prépare à me raser.
Mikado le date de 1956. Diable ! Je me plonge mentalement dans le contexte de l'époque : la guerre d'Algérie (ou guerre d'indépendance, selon le côté de la Méditerranée où l'on se place) faisait rage. Moi qui suis né en 80, je suis un jeunot à côté de ce rasoir. Une génération nous sépare.

Je le prends en main : qu'il est petit ! S'il me convenait, il pourrait parfaitement jouer un rôle de premier plan dans ma trousse de voyage.

Mon esprit repart 60 ans en arrière. Le premier propriétaire était-il pro-Algérie française ou pro-indépendantistes ? Ou tout simplement neutre, ou indifférent ?
Mon cœur s'accélère : en fait, le rasoir aurait tout-à-fait pu appartenir à l'un de ces nombreux jeunes "appelés" à 20 ans. Sa petite taille, qui aujourd'hui conviendrait à mes déplacements professionnels, était tout aussi appropriée à la besace d'un soldat... Qui sait ?

Ce rasoir prend une dimension mystérieuse qui décidément me plaît : il ne connaît rien de moi, et moi rien de lui. Et pourtant, nous voilà, l'un dans la main de l'autre.

Au premier coup de rasoir, je me rends immédiatement compte que quelque chose diffère. Tiens, le peigne semble plus large que mon rasoir habituel (un Merkur 20C -et non un 30C comme je l'ai indiqué par erreur dans ma présentation- Oui oui, je me renseigne, désormais !) Conséquence : la lame est plus "en retrait". Pour trouver le bon angle d'attaque, il faut donc que j'accentue l'inclinaison. Un essai, un second, plus subtil, et c'est bon, j'ai trouvé.

Mon esprit s'envole loin, à nouveau. Dans quel contexte Mikado s'est-il procuré ce rasoir ? Qu'est devenu le premier propriétaire ? Combien y en a-t-il eu d'autres ? De quelle boutique vient-il, à la base ? Combien de barbes naissantes l'objet que je tiens entre les mains a-t-il rasées ? Lorsqu'il a été acheté, mon métier n'existait pas encore.

Après 60 ans de labeur, sa retraite serait méritée. Mais il est si resplendissant, et... efficace ! Son heure n'est pas à la retraite : je ne le laisserai pas s'endormir dans sa petite boîte plastique. Il fonctionne à merveille. Mes gestes, un peu encroûtés dans leurs habitudes de plusieurs années avec le même rasoir, se sont vite adaptés : l'angle est accentué, la pression, très légère d'habitude avec mon Merkur, doit être un tout petit peu plus appuyée avec ce Gillette, d'usage très doux.

J'ai la certitude qu'il ne me blessera pas : autre atout pour un usage en déplacement professionnel (le souvenir d'un déplacement "épique" refait surface : j'avais oublié mes lames, et en avait acheté à la superette la plus proche de l'hôtel. Cette lame était si peu coupante que je devais passer et repasser... jusqu'à ce que je me coupe à plusieurs reprises. Bonjour l'allure de warrior en déroute, le reste de la journée...)

Bref, revenons à ce rasoir : c'est sûr, une nouvelle jeunesse l'attend.

L'envie me prend d'immortaliser ce beau moment en postant une photo dans la rubrique des rasages du jour, que je découvre et dont les sublimes photos me procurent un vrai plaisir ! Zou, j'y vais. Ce sera mon post n°3 (edit : et c'est ici : https://www.rasage-traditionnel.com/t18926-vendredi-18-aout-2017#648200)

Eh bah dis donc ca cogite pendant le rasage chez toi !
Chez moi ce serais plutot l'inverse .
(c'est grave docteur ?)

Ce matin, je suis allé au musée de l'Armée et il y a une vitrine qui présente l'équipement d'un soldat français au seuil de la seconde guerre mondiale... en bonne place un kit de rasage Gibbs et son célébrissime rasoir réglable, avec lequel je me rase assez souvent. Sorti de son contexte, c'est un rasoir intemporel... Mais ça donne envie de sortir Pour un homme de Caron, de mettre au frais un Picon bière tout en écoutant "J'en connais pas la fin" d'Edith Piaf

Popo a écrit:Eh bah dis donc ca cogite pendant le rasage chez toi !  
Chez moi ce serais plutot l'inverse .
(c'est grave docteur ?)

mais quand-même, beau résumé.

jdel070 a écrit:Ce matin, je suis allé au musée de l'Armée et il y a une vitrine qui présente l'équipement d'un soldat français au seuil de la seconde guerre mondiale..

et tu n'as pas fait de photo?

Quelle belle prestation historique.
Tu m'as vraiment touché avec ton résumé
J'ai connus un homme formidable qui a vécu 18 mois en Algérie durant les événements "Mon Père" ce héros
Il n'avait pas l'occasion de se raser vu les 75cl d'eau qu'on lui octroyait chaque jour pour ses besoins, il préférait les boire, mais s'il avait eu un rasoir tel que le tien et avec suffisamment d'eau il serait surement passé chaque matin à la séance rasage comme tu le fais 60 ans après.
Il est rentré avec une longue barbe.
Merci pour ce beau récit

Peut-être interdit. Je parle de la photo au musée.

jdel070 a écrit:Ce matin, je suis allé au musée de l'Armée et il y a une vitrine qui présente l'équipement d'un soldat français au seuil de la seconde guerre mondiale... en bonne place un kit de rasage Gibbs et son célébrissime rasoir réglable, avec lequel je me rase assez souvent. Sorti de son contexte, c'est un rasoir intemporel... Mais ça donne envie de sortir Pour un homme de Caron, de mettre au frais un Picon bière tout en écoutant "J'en connais pas la fin" d'Edith Piaf

Super !
J'ai découvert grâce à toi l'histoire de ce parfum "Pour un homme de Caron". Excellent !
Cette visite devait être passionnante. Je suis comme ChrisT : je réclame une photo !

Quant au Picon bière, je pratique souvent (un Picon-Leffe. Mais jamais de Picon avec mes préférées : Cuvée des Trolls, Karmeliet,  Paix Dieu, une bière du Corbeau ou une Rince-Cochon)

Popo a écrit:Eh bah dis donc ca cogite pendant le rasage chez toi !
Chez moi ce serais plutot l'inverse .
(c'est grave docteur ?)

Et oui Popo, je cogite partout-tout-l'temps, c'est plus fort que moi. Et encore, je n'ai mis qu'une version trèèès courte

Merci Luminoso

maxym a écrit:Quelle belle prestation historique.
Tu m'as vraiment touché avec ton résumé
J'ai connus un homme formidable qui a vécu 18 mois en Algérie durant les événements "Mon Père" ce héros
Il n'avait pas l'occasion de se raser vu les 75cl d'eau qu'on lui octroyait chaque jour pour ses besoins, il préférait les boire, mais s'il avait eu un rasoir tel que le tien et avec suffisamment d'eau il serait surement passé chaque matin à la séance rasage comme tu le fais 60 ans après.
Il est rentré avec une longue barbe.
Merci pour ce beau récit

Merci Maxym. Je tirerai en pensées, avec sympathie et avec un clin d’œil, la longue barbe de ton papa, la prochaine fois

Tu es un j'ai fait l'acquisition d'un fat boy des années 50 en souvenir de celui que mon PAPA se servait chaque jour et du bon souvenir que j'avais d'essayer de l'imiter dans ses gestes précis.
A l'époque j'étais tout petit et j'avais l'autorisation de m'en servir mais sans lame bien évidemment.
Ca reste aujourd'hui mon rasoir de prédilection

ChrisT a écrit:

jdel070 a écrit:Ce matin, je suis allé au musée de l'Armée et il y a une vitrine qui présente l'équipement d'un soldat français au seuil de la seconde guerre mondiale..

et tu n'as pas fait de photo?

J'ai hésité
Je n'avais jamais vu ce kit spécial armée, avec un sac de toile un peu kaki comme celle-ci je pense (trouvée sur Internet)... Sur Internet je ne vois pas de kit avec le modèle réglable, juste avec un Gibbs ordinaire ou un PO Piccolo. Déjà sur place je me suis demandé si Gibbs avait réellement offert un Gibbs réglable à certains soldats ou s'il s'agissait d'une reconstitution hasardeuse de la part du musée.


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bel objet