Les lames au TEFLON
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Michmich
Oswin
Langseth
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Les lames au TEFLON
Sam 7 Nov 2020 - 15:24
J’avais l’idée de faire une revue comparative entre deux lames au Téflon : la SPOUTNIK de Gillette Russie et la VOSTOK de Mostochlegmash.
J’aime bien la Vostok, et j’ai été un peu déçu par la Sputnik car elle coupe moins bien à mon avis, mais ce sont toutefois deux bonnes lames dans le milieu du tableau ; tout à fait recommandables.
Ce sont également les deux seules lames qui à ma connaissance affichent clairement le mot Téflon sur le paquet.
C’est probablement lié à leur origine. Le Téflon est un élément de modernité US (Dupont de Nemours) qui était inaccessible du temps de l’URSS ?
En essayant de savoir s’il y avait d’autres modèles au Téflon, je me suis rendu compte que les fabricants ne sont pas vraiment transparents au sujet du coating.
Ça m’a donné l’occasion de m’intéresser à la fabrication des lames, et de glaner sur le net quelques informations à partager.
****************************
Le revêtement du tranchant au TEFLON:registered: (aussi désigné par PTFE, Polymer, Fluoropolymer, Vydax, etc) est l’un des plus anciens, sinon le plus ancien revêtement des lames de rasoir DE INOX, et celui qui a révolutionné ce marché car il a largement contribué au passage des lames en acier au carbone à celles en inox.
Beaucoup de lames inox ont probablement du téflon, et finalement assez peu le mentionnent comme argument
D’un autre côté, très rares sont les lames inox qui n’auraient aucun revêtement du tranchant; peut-être les KAI, mais sans certitude.
Un peu d’histoire sur le passage de l’acier au carbone à l’acier inox pour nos lames DE
Il faut remonter aux années 1930. La rouille était la plaie des lames en acier au carbone.
Elles pouvaient rouiller dans leur emballage avant même d’avoir servies, selon des conditions de stockage et de la qualité de l’emballage.
Elles rouillaient dans le rasoir obligeant à un essuyage et séchage minutieux si on voulait se servir de la lame plus d’une fois …
Et puis une coupure avec une lame rouillée était suspectée de pouvoir être la cause du tétanos alors que la vaccination antitétanique n’était pas généralisée (seulement à partir des années 50)
Tous les fabriquant de lames redoublaient d’effort pour lutter contre la rouille disgracieuse.
Certaines lames étaient recouvertes d’un film d’huile, de graisse animale, de cire, parfois de vernis. Le papier d’emballage était aussi souvent imprégné, et la lame collait …
La solution la plus fiable était le bronzage ou la phosphatation de la lame : les fameuses lames bleues.
Le meilleur exemple est la Gillette Bleue qui restera au catalogue sous différents noms de 1931 jusqu’en 1985.
Juste avant la création de la bleue, Gillette avait tenté en 1930 une autre solution : la KRO-MAN , la toute première lame DE en inox.
Un échec, la lame était très chère pour des qualités pas évidentes. A l’époque on disait Rust-Resisting.
Cette tentative sera renouvelée en 1938, avec la Stainless Gillette Blade produite au UK. Pas un succès non plus.
C’est le très britannique WILKINSON qui relance après-guerre l’idée d’une lame de rasoir inox, apparemment à cause de difficultés d’approvisionnement en bon acier au carbone.
Contrairement à la légende, l’acier des lames DE n’est pas juste de l’acier de récup de vieilles coques de bateaux ou de casses d’automobiles.
A la différence de Gillette, Wilkinson avait une vraie compétence de métallurgiste ; c’était un armurier qui faisait aussi des rasoirs, et … des outils de jardinage.
Avec l’aide du savoir-faire d’une entreprise allemande de Solingen et plusieurs années de mise au point de la chaine de fabrication, la première vraie lame inox de grande série est lancée en 1955 : la SWORD-EDGE.
Elle est en acier dit « suédois ».
Les spécialistes du CC de ce forum pourraient sans doute en dire beaucoup plus, mais le mot Sword est utilisé par référence à l’émouture.
La SWORD-EDGE aurait eu une émouture différente de ce qui se faisait sur les lames en acier au carbone
D’après ce que je comprends, avant les lames DE au carbone courantes étaient comme le schéma ce dessous.
Le tranchant pouvait être très bon et ne durait guère (1 à 2 rasages). On pouvait un peu les réaffuter, mais la grande majorité des gens n’utilisaient les lames qu’une seule fois.
La SWORD-EDGE a un profil plus proche de celui des sabres, avec un double biseau
Le tranchant est bien plus solide. Actuellement, les lames ont même un troisième biseau.
Gillette, qui a bien vu le danger, essaye de mettre des bâtons dans les roues de Wilkinson en lui faisant payer des royalties pour l’invention de la lame inox.
Mais il ne peut empêcher la SWORD-EDGE de conquérir une part de marché non négligeable, et ce malgré un prix de vente plus élevé que les meilleures lames au carbone.
A partir de 1960, Gillette relance ses propres lames Stainless sous différents noms, rapidement unifiés sous l’appellation « Silver ».
Et d’autres marques embrayent à sa suite, notamment Schick et ASR American Safety Razor (Personna)
Le succès de la lame inox est bien réel.
Ça ne rouille plus, le pouvoir tranchant est bon et surtout bien plus durable (« triple life » selon la pub Wilkinson).
En moyenne, on passe effectivement d’une lame par jour à une lame par semaine.
Gillette estime que le marché des lames s’est déjà contracté de 15%, en raison de la plus grande durée de vie des inox.
Or la lame, c’est la vache à lait de Gillette (d’ailleurs, ça n’a pas changé avec les multi-lames d’aujourd’hui …)
Il restait encore un problème pour que l’inox supplante nettement l’acier au carbone : le tranchant inox est moins doux que celui des lames en acier au carbone.
Autrement dit ça gratte sur les peaux sensibles.
A coûts raisonnables et dans le cadre d’un processus industriel on n’arrivait (et on n’arrive toujours pas sauf à avoir une lame bien plus chère) à faire le tranchant des inox aussi « lisse » que celui des carbones.
L’acier inox est plus dur que l’acier au carbone. Aussi après le retrait de matière par abrasion, la seule solution mécanique pour parfaire le tranchant est un polissage.
Plus le polissage est doux et long mieux c’est, mais c’est opération délicate et coûteuse pour un objet de grande consommation.
D’où la recherche d’un traitement de surface capable de noyer les micro-rayures et dentures du tranchant et d’ajouter du glissant.
Y avait-il un revêtement sur ces tous premiers modèles de lames inox ? Probablement oui, assez rapidement.
D’ailleurs on voit souvent la mention « Do not wipe » (ne pas essuyer) pour ne pas arracher le fragile traitement de surface.
On sait que des revêtement de tranchant avaient déjà été essayés sur les lames au carbone, par exemple du silicone pour Gillette, et qu’il y a eu toutes sortes de tentatives : étamage, laque, … plus ou moins abouties et qui ont été remises en œuvre avec l’inox. Gillette avait même déjà essayé le Téflon, mais sans trouver la bonne formule …
Le Téflon était un tout nouveau produit (commercialisé par Dupont pour des applications civiles seulement après la WW2), un matériau avec un des meilleurs coefficient de friction.
En plus le Téflon est hydrophobe : l’eau , le savon et les morceaux de poils coupés n’adhèrent pas dessus. La tranchant reste naturellement propre.
Wilkinson le petit poucet conscient de devoir conserver un coup d’avance dans la bataille avec le géant Gillette a poursuivi sa R&D et réussi à mettre au point un procédé industriel enfin efficace de revêtement au Téflon.
L’histoire ne dit pas comment ils ont fait et s’ils ont été aidés, mais c’était une innovation brillante.
C’est ainsi qu’est lancée en 1961 la SUPER SWORD-EDGE.
Un carton incroyable ! Cette Wilkinson devient LA lame de référence, et toutes les boutiques se devaient d’en avoir.
Wilkinson qui n’était malgré tout qu’un petit acteur, juste une épine dans le pied pour Gillette sur la marché européen, devient largement exportateur, et notamment vers les USA.
Même si ses parts de marchés ne sont pas considérables, la réussite est remarquable et la notoriété de Wilkinson agace Gillette et les autres.
Pour donner une idée de leur taille respective, on estime que le budget publicitaire de Gillette est l’équivalent du chiffre d’affaire total de Wilkinson.
Gillette, malgré ses gros moyens, n’a pu rattraper son retard technique que 4 ans plus tard. Il n’est plus à la pointe de l’innovation.
Il sort la Super-Stainless au Téflon à partir de 1965/66, mais son image, sinon ses parts de marché, a été affectée.
Remarquez ce nom « Super-Stainless », il est toujours très fréquent chez beaucoup de fabricants.
Dès la fin des années 60, les modèles stainless se multiplient et l’offre de lame carbone se réduit rapidement.
Gillette ne garde plus que la Blue et la Fine pour quelques irréductibles de l’acier au carbone, jusque vers le milieu des années 80 pour la Blue.
De nos jours, il ne reste pratiquement plus de lame non-inox, seulement quelques modèles chez Treet et Czeck-Blades .
Considérations techniques :
Pour illustrer le propos du tranchant inox qui gratte : 2 images à la même échelle.
• à gauche le fil d’une lame Gillette carbone bleue de 1959,
• à droite celui d’une ASTRA Stainless actuelle (l’auteur de cette prise de vue ne précise pas si c’est une Astra verte ou bleue)
Vu comme ça, j’ai bien envie d’essayer une lame carbone …
Si le Téflon glisse très bien, son dépôt sur l’acier était une opération difficile au début des années 60, de la haute technologie.
Le Téflon était disponible sous forme d’une poudre très fine (micrométrique)
Je n’ai pas trouvé de description du processus inventé par Wilkinson, mais d’après un ingénieur de ma connaissance, il est très probable que le Téflon ait été pulvérisé sur le tranchant par dépôt électrostatique (inventé en 1945).
Ensuite une source de chaleur transforme la poudre en un fluide qui comble les micros-rayures, et un refroidissement rapide le fige.
La complexité réside dans le risque de voir le tranchant perdre ses caractéristiques en raison d’une surchauffe, ou d’un dépôt sur-dosé qui noyait le tranchant.
On s’est aperçu par la suite que des revêtements en alliages métalliques pouvait aussi avoir un effet bénéfique sur le tranchant (durabilité + glisse) sans nécessairement y ajouter de Téflon.
Sont arrivés ainsi platine, chrome, titane, tungstène, iridium, et autres poudres de perlimpinpin.
Certaines marques se sont fait une spécialité de cocktails improbables ; le turc DERBY par exemple, je cite : « Chromium-Ceramic-Platinum-Tungsten and Polymer »
Le Polymer peut-être du Téflon ou du nylon.
Actuellement le Téflon est disponible sous forme de gel ou de liquide, son application est beaucoup plus simple.
Conclusion provisoire:
Toutes (ou presque toutes ?) les lames DE inox ont un tranchant coated, et probablement assez souvent avec du Téflon par-dessus une ou plusieurs couches d’autres traitements.
J’ai cherché l’info sur des photos de paquets de lames, sur les sites des fabricants, , sur les sites marchands (qui parfois se contredisent)…
Sans prétendre être exhaustif, voici une liste de lames pour lesquelles on trouve une mention de la présence de téflon :
Vostok
Spoutnik
BIC Jaune
Toutes les DERBY
DORCO ST300
DORCO Titan
TREET Platinum
TREET Dura Sharp
GILLETTE Silver Blue
LORD Extra
TIGER (Rouge) Platinum
WILKINSON Sword européenne (boite noire)
Et, il y en a probablement d’autres, possiblement celles qui utilisent le terme super-stainless :
Gillette Seven O’Clock verte Super Stainless
LADAS Super Stainless
RAPIRA Super Stainless
SHARK Super Stainless
Si les spécialistes « lames » de ce forum veulent bien ajouter leur expertise à ces modestes investigations …
J’aime bien la Vostok, et j’ai été un peu déçu par la Sputnik car elle coupe moins bien à mon avis, mais ce sont toutefois deux bonnes lames dans le milieu du tableau ; tout à fait recommandables.
Ce sont également les deux seules lames qui à ma connaissance affichent clairement le mot Téflon sur le paquet.
C’est probablement lié à leur origine. Le Téflon est un élément de modernité US (Dupont de Nemours) qui était inaccessible du temps de l’URSS ?
En essayant de savoir s’il y avait d’autres modèles au Téflon, je me suis rendu compte que les fabricants ne sont pas vraiment transparents au sujet du coating.
Ça m’a donné l’occasion de m’intéresser à la fabrication des lames, et de glaner sur le net quelques informations à partager.
****************************
Le revêtement du tranchant au TEFLON:registered: (aussi désigné par PTFE, Polymer, Fluoropolymer, Vydax, etc) est l’un des plus anciens, sinon le plus ancien revêtement des lames de rasoir DE INOX, et celui qui a révolutionné ce marché car il a largement contribué au passage des lames en acier au carbone à celles en inox.
Beaucoup de lames inox ont probablement du téflon, et finalement assez peu le mentionnent comme argument
D’un autre côté, très rares sont les lames inox qui n’auraient aucun revêtement du tranchant; peut-être les KAI, mais sans certitude.
Un peu d’histoire sur le passage de l’acier au carbone à l’acier inox pour nos lames DE
Il faut remonter aux années 1930. La rouille était la plaie des lames en acier au carbone.
Elles pouvaient rouiller dans leur emballage avant même d’avoir servies, selon des conditions de stockage et de la qualité de l’emballage.
Elles rouillaient dans le rasoir obligeant à un essuyage et séchage minutieux si on voulait se servir de la lame plus d’une fois …
Et puis une coupure avec une lame rouillée était suspectée de pouvoir être la cause du tétanos alors que la vaccination antitétanique n’était pas généralisée (seulement à partir des années 50)
Tous les fabriquant de lames redoublaient d’effort pour lutter contre la rouille disgracieuse.
Certaines lames étaient recouvertes d’un film d’huile, de graisse animale, de cire, parfois de vernis. Le papier d’emballage était aussi souvent imprégné, et la lame collait …
La solution la plus fiable était le bronzage ou la phosphatation de la lame : les fameuses lames bleues.
Le meilleur exemple est la Gillette Bleue qui restera au catalogue sous différents noms de 1931 jusqu’en 1985.
Juste avant la création de la bleue, Gillette avait tenté en 1930 une autre solution : la KRO-MAN , la toute première lame DE en inox.
Un échec, la lame était très chère pour des qualités pas évidentes. A l’époque on disait Rust-Resisting.
Cette tentative sera renouvelée en 1938, avec la Stainless Gillette Blade produite au UK. Pas un succès non plus.
C’est le très britannique WILKINSON qui relance après-guerre l’idée d’une lame de rasoir inox, apparemment à cause de difficultés d’approvisionnement en bon acier au carbone.
Contrairement à la légende, l’acier des lames DE n’est pas juste de l’acier de récup de vieilles coques de bateaux ou de casses d’automobiles.
A la différence de Gillette, Wilkinson avait une vraie compétence de métallurgiste ; c’était un armurier qui faisait aussi des rasoirs, et … des outils de jardinage.
Avec l’aide du savoir-faire d’une entreprise allemande de Solingen et plusieurs années de mise au point de la chaine de fabrication, la première vraie lame inox de grande série est lancée en 1955 : la SWORD-EDGE.
Elle est en acier dit « suédois ».
Les spécialistes du CC de ce forum pourraient sans doute en dire beaucoup plus, mais le mot Sword est utilisé par référence à l’émouture.
La SWORD-EDGE aurait eu une émouture différente de ce qui se faisait sur les lames en acier au carbone
D’après ce que je comprends, avant les lames DE au carbone courantes étaient comme le schéma ce dessous.
Le tranchant pouvait être très bon et ne durait guère (1 à 2 rasages). On pouvait un peu les réaffuter, mais la grande majorité des gens n’utilisaient les lames qu’une seule fois.
La SWORD-EDGE a un profil plus proche de celui des sabres, avec un double biseau
Le tranchant est bien plus solide. Actuellement, les lames ont même un troisième biseau.
Gillette, qui a bien vu le danger, essaye de mettre des bâtons dans les roues de Wilkinson en lui faisant payer des royalties pour l’invention de la lame inox.
Mais il ne peut empêcher la SWORD-EDGE de conquérir une part de marché non négligeable, et ce malgré un prix de vente plus élevé que les meilleures lames au carbone.
A partir de 1960, Gillette relance ses propres lames Stainless sous différents noms, rapidement unifiés sous l’appellation « Silver ».
Et d’autres marques embrayent à sa suite, notamment Schick et ASR American Safety Razor (Personna)
Le succès de la lame inox est bien réel.
Ça ne rouille plus, le pouvoir tranchant est bon et surtout bien plus durable (« triple life » selon la pub Wilkinson).
En moyenne, on passe effectivement d’une lame par jour à une lame par semaine.
Gillette estime que le marché des lames s’est déjà contracté de 15%, en raison de la plus grande durée de vie des inox.
Or la lame, c’est la vache à lait de Gillette (d’ailleurs, ça n’a pas changé avec les multi-lames d’aujourd’hui …)
Il restait encore un problème pour que l’inox supplante nettement l’acier au carbone : le tranchant inox est moins doux que celui des lames en acier au carbone.
Autrement dit ça gratte sur les peaux sensibles.
A coûts raisonnables et dans le cadre d’un processus industriel on n’arrivait (et on n’arrive toujours pas sauf à avoir une lame bien plus chère) à faire le tranchant des inox aussi « lisse » que celui des carbones.
L’acier inox est plus dur que l’acier au carbone. Aussi après le retrait de matière par abrasion, la seule solution mécanique pour parfaire le tranchant est un polissage.
Plus le polissage est doux et long mieux c’est, mais c’est opération délicate et coûteuse pour un objet de grande consommation.
D’où la recherche d’un traitement de surface capable de noyer les micro-rayures et dentures du tranchant et d’ajouter du glissant.
Y avait-il un revêtement sur ces tous premiers modèles de lames inox ? Probablement oui, assez rapidement.
D’ailleurs on voit souvent la mention « Do not wipe » (ne pas essuyer) pour ne pas arracher le fragile traitement de surface.
On sait que des revêtement de tranchant avaient déjà été essayés sur les lames au carbone, par exemple du silicone pour Gillette, et qu’il y a eu toutes sortes de tentatives : étamage, laque, … plus ou moins abouties et qui ont été remises en œuvre avec l’inox. Gillette avait même déjà essayé le Téflon, mais sans trouver la bonne formule …
Le Téflon était un tout nouveau produit (commercialisé par Dupont pour des applications civiles seulement après la WW2), un matériau avec un des meilleurs coefficient de friction.
En plus le Téflon est hydrophobe : l’eau , le savon et les morceaux de poils coupés n’adhèrent pas dessus. La tranchant reste naturellement propre.
Wilkinson le petit poucet conscient de devoir conserver un coup d’avance dans la bataille avec le géant Gillette a poursuivi sa R&D et réussi à mettre au point un procédé industriel enfin efficace de revêtement au Téflon.
L’histoire ne dit pas comment ils ont fait et s’ils ont été aidés, mais c’était une innovation brillante.
C’est ainsi qu’est lancée en 1961 la SUPER SWORD-EDGE.
Un carton incroyable ! Cette Wilkinson devient LA lame de référence, et toutes les boutiques se devaient d’en avoir.
Wilkinson qui n’était malgré tout qu’un petit acteur, juste une épine dans le pied pour Gillette sur la marché européen, devient largement exportateur, et notamment vers les USA.
Même si ses parts de marchés ne sont pas considérables, la réussite est remarquable et la notoriété de Wilkinson agace Gillette et les autres.
Pour donner une idée de leur taille respective, on estime que le budget publicitaire de Gillette est l’équivalent du chiffre d’affaire total de Wilkinson.
Gillette, malgré ses gros moyens, n’a pu rattraper son retard technique que 4 ans plus tard. Il n’est plus à la pointe de l’innovation.
Il sort la Super-Stainless au Téflon à partir de 1965/66, mais son image, sinon ses parts de marché, a été affectée.
Remarquez ce nom « Super-Stainless », il est toujours très fréquent chez beaucoup de fabricants.
Dès la fin des années 60, les modèles stainless se multiplient et l’offre de lame carbone se réduit rapidement.
Gillette ne garde plus que la Blue et la Fine pour quelques irréductibles de l’acier au carbone, jusque vers le milieu des années 80 pour la Blue.
De nos jours, il ne reste pratiquement plus de lame non-inox, seulement quelques modèles chez Treet et Czeck-Blades .
Considérations techniques :
Pour illustrer le propos du tranchant inox qui gratte : 2 images à la même échelle.
• à gauche le fil d’une lame Gillette carbone bleue de 1959,
• à droite celui d’une ASTRA Stainless actuelle (l’auteur de cette prise de vue ne précise pas si c’est une Astra verte ou bleue)
Vu comme ça, j’ai bien envie d’essayer une lame carbone …
Si le Téflon glisse très bien, son dépôt sur l’acier était une opération difficile au début des années 60, de la haute technologie.
Le Téflon était disponible sous forme d’une poudre très fine (micrométrique)
Je n’ai pas trouvé de description du processus inventé par Wilkinson, mais d’après un ingénieur de ma connaissance, il est très probable que le Téflon ait été pulvérisé sur le tranchant par dépôt électrostatique (inventé en 1945).
Ensuite une source de chaleur transforme la poudre en un fluide qui comble les micros-rayures, et un refroidissement rapide le fige.
La complexité réside dans le risque de voir le tranchant perdre ses caractéristiques en raison d’une surchauffe, ou d’un dépôt sur-dosé qui noyait le tranchant.
On s’est aperçu par la suite que des revêtements en alliages métalliques pouvait aussi avoir un effet bénéfique sur le tranchant (durabilité + glisse) sans nécessairement y ajouter de Téflon.
Sont arrivés ainsi platine, chrome, titane, tungstène, iridium, et autres poudres de perlimpinpin.
Certaines marques se sont fait une spécialité de cocktails improbables ; le turc DERBY par exemple, je cite : « Chromium-Ceramic-Platinum-Tungsten and Polymer »
Le Polymer peut-être du Téflon ou du nylon.
Actuellement le Téflon est disponible sous forme de gel ou de liquide, son application est beaucoup plus simple.
Conclusion provisoire:
Toutes (ou presque toutes ?) les lames DE inox ont un tranchant coated, et probablement assez souvent avec du Téflon par-dessus une ou plusieurs couches d’autres traitements.
J’ai cherché l’info sur des photos de paquets de lames, sur les sites des fabricants, , sur les sites marchands (qui parfois se contredisent)…
Sans prétendre être exhaustif, voici une liste de lames pour lesquelles on trouve une mention de la présence de téflon :
Vostok
Spoutnik
BIC Jaune
Toutes les DERBY
DORCO ST300
DORCO Titan
TREET Platinum
TREET Dura Sharp
GILLETTE Silver Blue
LORD Extra
TIGER (Rouge) Platinum
WILKINSON Sword européenne (boite noire)
Et, il y en a probablement d’autres, possiblement celles qui utilisent le terme super-stainless :
Gillette Seven O’Clock verte Super Stainless
LADAS Super Stainless
RAPIRA Super Stainless
SHARK Super Stainless
Si les spécialistes « lames » de ce forum veulent bien ajouter leur expertise à ces modestes investigations …
Popo, zantark, NénéOfMarseille, syljal24, Oswin, Anton13, Mt07drome et aiment ce message
- OswinHomeboy
- Messages : 1320
Date d'inscription : 15/01/2020
Re: Les lames au TEFLON
Sam 7 Nov 2020 - 20:35
Bravo pour cette analyse, pardon pour ma question : Tout est de toi ?
Franchement c'est bien structuré, explicite, lisible, bref c'est parfais ! Merci pour ce partage
Franchement c'est bien structuré, explicite, lisible, bref c'est parfais ! Merci pour ce partage
- MichmichHomeboy
- Messages : 932
Date d'inscription : 29/03/2018
Age : 47
Re: Les lames au TEFLON
Sam 7 Nov 2020 - 20:49
Bah, j'ai les Tiger en acier carbone, c'est catastrophique chez moi. Elles sont dans l'atelier au lieu de la salle de bain.
Merci pour les infos, intéressant.
Merci pour les infos, intéressant.
- VGETeam
- Messages : 7792
Date d'inscription : 28/10/2014
Age : 55
Localisation : Hauts de Seine
Re: Les lames au TEFLON
Sam 7 Nov 2020 - 20:57
Merci pour cette synthèse "historique" des plus instructives !
J'ai appris plein de choses .
J'ai appris plein de choses .
- GrognardHomeboy
- Messages : 1333
Date d'inscription : 28/10/2012
Age : 41
Localisation : Belgique
Re: Les lames au TEFLON
Sam 7 Nov 2020 - 21:43
Très joli condensé. Très clair et instructif
- feelgoodGrand Maître
- Messages : 4093
Date d'inscription : 08/11/2018
Age : 53
Localisation : Asnières sur Seine
Re: Les lames au TEFLON
Sam 7 Nov 2020 - 22:16
Beau boulot.. bravo.
J'ai regardé le film "Dark Water" avant hier et je n'ai pu m'empêcher d'y penser tout au long de ton article...comme quand je regarde mes poêles à frire revêtues. Même si la molécule à changer depuis, ça laisse songeur.
J'ai regardé le film "Dark Water" avant hier et je n'ai pu m'empêcher d'y penser tout au long de ton article...comme quand je regarde mes poêles à frire revêtues. Même si la molécule à changer depuis, ça laisse songeur.
- LangsethMembre
- Messages : 61
Date d'inscription : 20/12/2019
Age : 62
Re: Les lames au TEFLON
Dim 8 Nov 2020 - 7:51
Si le téflon est un problème réel, les microgrammes déposés sur nos petites lames sont une goute d'eau insignifiante.
On trouve du téflon partout, dans l'habillement (Goretex), dans les lubrifiants, dans la cuisine (Tefal), dans la construction, dans les voitures, etc.
On trouve du téflon partout, dans l'habillement (Goretex), dans les lubrifiants, dans la cuisine (Tefal), dans la construction, dans les voitures, etc.
beatnick aime ce message
- PtitrenardHomeboy
- Messages : 1221
Date d'inscription : 03/02/2020
Age : 37
Localisation : Savoie
Re: Les lames au TEFLON
Dim 8 Nov 2020 - 20:11
Très bon article! Beaucoup de travail de recherche
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