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Histoire de CC d'un rescapé : le Ford & Medley
Mer 14 Sep 2022, 16:41
À l'origine de la société Ford & Medley, les frères Joseph et Tom Medley sont des broyeurs ( meuleurs - affûteurs ) de rasoirs vivant à Norton ; village ensuite absorbé par l'agglomération de Sheffield. Albert Medley, le fils de Joseph, devient par la suite associé principal ; et un descendant atteste, nous dit-on, que les plus anciens catalogues de l'entreprise faisaient remonter sa création à 1879.
Quoi qu'il en soit, la première trace administrative connue confirmant l'activité de la Ford & Medley remonte à 1900, lorsqu'elle enregistre une marque ( d'argent ) avec mention du siège social au 137, rue Arundel.
Ford n'est identifié nulle part dans les annuaires, et la famille Medley ne disposerait d'aucune information à son sujet1.
Il est par contre avéré que l'entreprise fut soutenue par William England, un fondeur de cuivres, et quelle devient «Ltd.» en 1908. Le siège est alors désigné Wizard Works, et sa marque de quincaillerie à prix fixe Wake-Knot est lancée. Parallèlement, la Ford & Medley Ltd. propose des couverts de table, de la galvanoplastie et, ce qui nous intéresse davantage, des rasoirs à meulage creux.
Pendant la Première Guerre mondiale, la Ford & Medley honore des marchés gouvernementaux et, à la fin de cette guerre, occupe Emu Works - au 151 Eyre Street - avec Albert comme directeur général. Les marques parlées de commerce de la société sont alors EMU2 et WIZARD, conjointement avec une marque graphique représentant des cordages entrelacés incluant les caractères « F & M » dans leurs boucles. Elle acquiert à-peu-près dans le même temps la marque parlée SELECT, et la flèche ( Arrow ) de Bingham & Ogden. Les annonces font également état d'une marque 3.3.3. Razors.
Le rasoir ARROW devient peu à peu un produit incontournable de la Ford & Medley Ltd. Ce qui n'empêchera pas la déclaration de son insolvabilité, en 1928. Sic transit...
DATATION
Deux sources au moins affirment qu'un stock de lames a été préservé par un membre non identifié3 de l'entreprise, au moment de sa fermeture, et remisé dans un garage. Un contributeur de sharprazorpalace atteste dans ce contexte, il y a cinq ans, en avoir reçu une cinquantaine de qualité variable.
Celui qui nous concerne a été repêché sur une brocante du Nord de la France par Laurent / Plexus, auprès duquel j'en ai fait l'acquisition dans son jus. Vu son état général à ce moment, témoignant d'un passé actif, ce rasoir n'est à priori pas concerné par le stockage dont question ci-avant.
Le marquage du pays d'origine nous renseigne doublement : sa présence le date postérieurement à 18914, et l'absence de l'expression made in d'avant 19145&6. On lira dans les notes que ces millésimes conservent une part aléatoire, et je ne serais pas étonné qu'on se trouve ici devant un cas d'espèce.
Car on y découvre en effet une mention England intégrale portée en demi-cercle côté crochet, et qui se démarque des graphies de modèles courants - en England ou Eng. - intégrés à l'horizontale dans ou sous la marque ( voire sur le verso de la soie ) en utilisant la même typographie. Selon une contribution du membre / pseudo Haza sur le 3C, il pourrait s'agir de marquages de transition apposés postérieurement sur des produits déjà finis, dans un souci de mise en conformité.
Avis que je suis enclin à partager, d'autant que l'on aura vu que la firme - et ce dès 1908 au plus tard - fait de l'évidement son cheval de bataille ; et que le dos légèrement creusé tend à signer une production fin 19ième, même si cette période n'en a pas l'exclusivité.
Mais un autre élément pourrait aller dans le sens de l'hypothèse énoncée par Haza : sur le montage ci-dessous montrant l'état de la lame alors en cours de restauration7 et au sortir d'un bain d'acide oxalique, on remarque une différence de réaction localisée qui, en même temps qu'un écrasement d'une partie du cartouche horizontal, pourrait signaler une opération complémentaire ayant été effectuée précisément dans la zone qui nous occupe8.
La cale profilée du nez est en étain, ce qui constitue une signature de Sheffield où ce métal était également ( est toujours ) produit et travaillé. Mais si c'est un bon outil d'authentification, il n'en va pas de même pour la datation puisqu'entre autres je possède aussi bien un W&B des années ~1870 qu'un Norton des années ~ 1920 présentant cette caractéristique9.
Tout ça l'un dans l'autre, une datation de mon beau rescapé à ~ 1890 parait crédible.
À l'utilisation, et comme on pouvait s'y attendre, ce near wedge surprend l'amateur de lames évidées et extra évidées qui signe cette publication. Dans le bon sens : il va diablement bien, le bougre, et ne pèse pas le poids d'un âne mort ; ce qui rend l'adaptation d'autant plus aisée que, pour le reste, c'est bien un Sheffield. L'acier doux se prête facilement à l'affûtage / affilage, avant de procurer un rasage en deux passes net que l'on peut clôturer à la pierre d'alun et à l'Eau de Cologne sans risquer de se brûler la couenne.
Voilà qui clôture une belle expérience où le travail de recherche aura été doublé de travaux pratiques : à renouveler, ça. J'espère que vous aurez pris plaisir à lire tout ça, en rappelant comme d'habitude qu'une erreur ( ou plusieurs ) peut ( peuvent ) toujours s'être glissée(s) dans ce compte-rendu en dépit du soin que j'ai apporté aux recherches et à la rédaction.
… plus que le Norton, et pis je fait une 'tite pause......
NOTES
1 Le 23 août 1938 - dix ans après la faillite de F&M Ltd. - le Sheffield Daily Independent rapporte l'enregistrement d'une société Alfred Ford & Co Ltd. fabricant et revendant des couverts, rasoirs et lames de rasoir. Elle a été créée pour acquérir les droits sur des brevets relatifs au perfectionnement de lames de couteaux. Les déposants sont deux comptables : Wilfred Condor et Cyril Walter Gardner. Condor est le directeur général, mais l'identité d'Alfred Ford restera un mystère. Alfred Ford & Co apparaît ensuite dans le répertoire de Sheffield en tant que fabricant de couverts à Mappin Street, avant de disparaître.
Notons pour la forme qu'il existe aux USA des familles portant le nom composé Ford Medley.
2 EMU aurait préalablement appartenu à T.H. Wilson.
3 Faut-il y voir l'ombre du très mystérieux Alfred Ford ?
4 McKinley Tariff Act et première version de l'Agrément de Madrid.
5 McKinley TA : évolution.
6 Attention toutefois : ces repères bienvenus et généralement fiables conservent une part aléatoire. Il n'est ainsi pas exclu qu'un fabricant ait pu matricer spontanément une marque d'origine nationale avant que l'obligation en ait été faite. Celle-ci ne s'imposant par ailleurs de fait qu'aux fabricants des pays signataires des accords, en fonction de leur entrée dans le système et dans la forme légale adoptée par les autorités nationales. J'ignore de plus, en l'état, si elle concernait également les produits issus de pays signataires et strictement destinés au marché intérieur. Et enfin, il peut s'agir de marquages subséquents à leur manufacture destinés à mettre le produit en conformité.
7 Voir https://www.rasage-traditionnel.com/t26896p570-restauration-des-cc#956635 et suites.
8 Ça demande bien entendu à être vérifié, et je m'y emploie.
9 Il semble néanmoins que cette matière ait été abandonnée, pour les cales, dans les années ~30.
SOURCES
Iconographie :
Geoff Tweedale via hawleysheffieldknives
Mastropiero sur sincortenohaygloria.com
Newbie94 sur le 3C
Sites :
https://www.badgerandblade.com
https://coupechouclub.1fr1.net
http://deerbe.com
https://www.gut-rasiert.de
https://www.hawleysheffieldknives
http://www.museen-nord.de
https://www.rasage-traditionnel.com
https://sharprazorpalace.com
https://sincortenohaygloria.com
Quoi qu'il en soit, la première trace administrative connue confirmant l'activité de la Ford & Medley remonte à 1900, lorsqu'elle enregistre une marque ( d'argent ) avec mention du siège social au 137, rue Arundel.
Ford n'est identifié nulle part dans les annuaires, et la famille Medley ne disposerait d'aucune information à son sujet1.
Il est par contre avéré que l'entreprise fut soutenue par William England, un fondeur de cuivres, et quelle devient «Ltd.» en 1908. Le siège est alors désigné Wizard Works, et sa marque de quincaillerie à prix fixe Wake-Knot est lancée. Parallèlement, la Ford & Medley Ltd. propose des couverts de table, de la galvanoplastie et, ce qui nous intéresse davantage, des rasoirs à meulage creux.
Pendant la Première Guerre mondiale, la Ford & Medley honore des marchés gouvernementaux et, à la fin de cette guerre, occupe Emu Works - au 151 Eyre Street - avec Albert comme directeur général. Les marques parlées de commerce de la société sont alors EMU2 et WIZARD, conjointement avec une marque graphique représentant des cordages entrelacés incluant les caractères « F & M » dans leurs boucles. Elle acquiert à-peu-près dans le même temps la marque parlée SELECT, et la flèche ( Arrow ) de Bingham & Ogden. Les annonces font également état d'une marque 3.3.3. Razors.
Le rasoir ARROW devient peu à peu un produit incontournable de la Ford & Medley Ltd. Ce qui n'empêchera pas la déclaration de son insolvabilité, en 1928. Sic transit...
DATATION
Deux sources au moins affirment qu'un stock de lames a été préservé par un membre non identifié3 de l'entreprise, au moment de sa fermeture, et remisé dans un garage. Un contributeur de sharprazorpalace atteste dans ce contexte, il y a cinq ans, en avoir reçu une cinquantaine de qualité variable.
Celui qui nous concerne a été repêché sur une brocante du Nord de la France par Laurent / Plexus, auprès duquel j'en ai fait l'acquisition dans son jus. Vu son état général à ce moment, témoignant d'un passé actif, ce rasoir n'est à priori pas concerné par le stockage dont question ci-avant.
Le marquage du pays d'origine nous renseigne doublement : sa présence le date postérieurement à 18914, et l'absence de l'expression made in d'avant 19145&6. On lira dans les notes que ces millésimes conservent une part aléatoire, et je ne serais pas étonné qu'on se trouve ici devant un cas d'espèce.
Car on y découvre en effet une mention England intégrale portée en demi-cercle côté crochet, et qui se démarque des graphies de modèles courants - en England ou Eng. - intégrés à l'horizontale dans ou sous la marque ( voire sur le verso de la soie ) en utilisant la même typographie. Selon une contribution du membre / pseudo Haza sur le 3C, il pourrait s'agir de marquages de transition apposés postérieurement sur des produits déjà finis, dans un souci de mise en conformité.
Avis que je suis enclin à partager, d'autant que l'on aura vu que la firme - et ce dès 1908 au plus tard - fait de l'évidement son cheval de bataille ; et que le dos légèrement creusé tend à signer une production fin 19ième, même si cette période n'en a pas l'exclusivité.
Mais un autre élément pourrait aller dans le sens de l'hypothèse énoncée par Haza : sur le montage ci-dessous montrant l'état de la lame alors en cours de restauration7 et au sortir d'un bain d'acide oxalique, on remarque une différence de réaction localisée qui, en même temps qu'un écrasement d'une partie du cartouche horizontal, pourrait signaler une opération complémentaire ayant été effectuée précisément dans la zone qui nous occupe8.
La cale profilée du nez est en étain, ce qui constitue une signature de Sheffield où ce métal était également ( est toujours ) produit et travaillé. Mais si c'est un bon outil d'authentification, il n'en va pas de même pour la datation puisqu'entre autres je possède aussi bien un W&B des années ~1870 qu'un Norton des années ~ 1920 présentant cette caractéristique9.
Tout ça l'un dans l'autre, une datation de mon beau rescapé à ~ 1890 parait crédible.
À l'utilisation, et comme on pouvait s'y attendre, ce near wedge surprend l'amateur de lames évidées et extra évidées qui signe cette publication. Dans le bon sens : il va diablement bien, le bougre, et ne pèse pas le poids d'un âne mort ; ce qui rend l'adaptation d'autant plus aisée que, pour le reste, c'est bien un Sheffield. L'acier doux se prête facilement à l'affûtage / affilage, avant de procurer un rasage en deux passes net que l'on peut clôturer à la pierre d'alun et à l'Eau de Cologne sans risquer de se brûler la couenne.
Voilà qui clôture une belle expérience où le travail de recherche aura été doublé de travaux pratiques : à renouveler, ça. J'espère que vous aurez pris plaisir à lire tout ça, en rappelant comme d'habitude qu'une erreur ( ou plusieurs ) peut ( peuvent ) toujours s'être glissée(s) dans ce compte-rendu en dépit du soin que j'ai apporté aux recherches et à la rédaction.
… plus que le Norton, et pis je fait une 'tite pause......
NOTES
1 Le 23 août 1938 - dix ans après la faillite de F&M Ltd. - le Sheffield Daily Independent rapporte l'enregistrement d'une société Alfred Ford & Co Ltd. fabricant et revendant des couverts, rasoirs et lames de rasoir. Elle a été créée pour acquérir les droits sur des brevets relatifs au perfectionnement de lames de couteaux. Les déposants sont deux comptables : Wilfred Condor et Cyril Walter Gardner. Condor est le directeur général, mais l'identité d'Alfred Ford restera un mystère. Alfred Ford & Co apparaît ensuite dans le répertoire de Sheffield en tant que fabricant de couverts à Mappin Street, avant de disparaître.
Notons pour la forme qu'il existe aux USA des familles portant le nom composé Ford Medley.
2 EMU aurait préalablement appartenu à T.H. Wilson.
3 Faut-il y voir l'ombre du très mystérieux Alfred Ford ?
4 McKinley Tariff Act et première version de l'Agrément de Madrid.
5 McKinley TA : évolution.
6 Attention toutefois : ces repères bienvenus et généralement fiables conservent une part aléatoire. Il n'est ainsi pas exclu qu'un fabricant ait pu matricer spontanément une marque d'origine nationale avant que l'obligation en ait été faite. Celle-ci ne s'imposant par ailleurs de fait qu'aux fabricants des pays signataires des accords, en fonction de leur entrée dans le système et dans la forme légale adoptée par les autorités nationales. J'ignore de plus, en l'état, si elle concernait également les produits issus de pays signataires et strictement destinés au marché intérieur. Et enfin, il peut s'agir de marquages subséquents à leur manufacture destinés à mettre le produit en conformité.
7 Voir https://www.rasage-traditionnel.com/t26896p570-restauration-des-cc#956635 et suites.
8 Ça demande bien entendu à être vérifié, et je m'y emploie.
9 Il semble néanmoins que cette matière ait été abandonnée, pour les cales, dans les années ~30.
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https://www.badgerandblade.com
https://coupechouclub.1fr1.net
http://deerbe.com
https://www.gut-rasiert.de
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